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La mobilité électrique, une histoire de compromis

Plusieurs facteurs expliquent le déploiement lent des nouvelles mobilités dans nos sociétés, et en particulier des voitures électriques.

Plusieurs facteurs expliquent, du point de vue des consommateurs, le déploiement lent des nouvelles mobilités dans nos sociétés, et en particulier des voitures électriques. Les avantages, notamment économiques, de ces dernières sont bien référencés, mais doivent s’accompagner de certaines concessions faites à nos habitudes bien ancrées.

 

Une technologie mature face à des usages encore attachés au thermique

Conduire une voiture électrique est déjà une réalité technique. Les batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques sont une technologie éprouvée et robuste. En 2020, ces automobiles de nouvelle génération pouvaient déjà parcourir en moyenne, en une seule recharge, 338 km[1]. Une autonomie largement suffisante. Les Français, en effet, réalisent en moyenne trois déplacements quotidiens par jour et par personne[2] dans un rayon de moins de 80 km. Les voitures thermiques devraient donc être aujourd’hui des reliques du passé. Ce n’est pourtant pas le cas.

 

Le coût d'achat encore élevé

La première raison est économique. Pour un même modèle, une voiture électrique neuve coûte plus cher que son équivalent thermique. Les batteries pèsent pour 40 % du prix. La barrière à l’achat peut facilement rebuter les consommateurs. Néanmoins, sur la durée, rouler à l’électricité peut se révéler un pari gagnant. Les voitures électriques sont moins coûteuses à entretenir et à alimenter. Selon l’ADEME[3], en 2022, le coût de revient en électricité pour réaliser 300 km était d’environ 10 € en charge normale à domicile contre 30 € pour un plein partiel en essence. Ainsi, l’avantage économique d’une voiture électrique est d’autant plus significatif que son utilisateur la conserve longtemps et en a un usage fréquent. Le modèle du véhicule joue également un rôle primordial. Il est en effet conseiller d’opter pour un format compact et donc moins lourd qui consommera moins d’énergie par kilomètre parcouru. Plusieurs analyses de cycle de vie, dont celle de l’ADEME, montrent d’ailleurs que conduire un SUV électrique ne fait pas sens, que cela soit sur le plan économique ou sur le plan de l’action climatique. La plupart des utilisateurs de ces modèles de voiture devraient les conserver plusieurs décennies avant de pouvoir amortir leur coût à l’achat et l’empreinte environnementale de leur production.


Un réseau de recharge encore inégal

La seconde raison concerne les infrastructures de recharge. Tout le réseau routier a été pensé pour des véhicules thermiques dont le plein ne prend que quelques minutes. Une telle rapidité est difficilement envisageable sur le plan technique pour recharger les véhicules électriques. Des arrêts plus fréquents et plus longs sont à prévoir. Le maillage du territoire français en bornes de recharge est ainsi un facteur prépondérant. Contrairement à une idée reçue, le nombre de bornes en France dans les espaces publics et les parkings augmente vite[4], passant ainsi d’environ 30 000 en janvier 2020 à 110 000 en octobre 2023. Toutefois, l’impression d’une installation insuffisante reste un frein majeur au développement de la mobilité électrique.

 

Changer ses habitudes, changer d’imaginaire

Ceci étant dit, et pour faire écho au paragraphe précédent, encourager le déploiement des bornes individuelles s’avère vital pour que l’avantage économique de rouler à l’électricité reste d’actualité. En effet, l’ADEME estime par exemple que les prix de vente au kilowatt-heure sur bornes de recharge ultra rapides sont de 3 à 4 fois plus élevés qu’à domicile. L’association de consommateurs, UFC-Que choisir, a d’ailleurs relevé que cette disparité de prix concernait l’ensemble des bornes et des opérateurs, et non pas seulement les bornes de recharge ultra rapide[1]. Recharger chez soi reste la meilleure façon de se garantir de la volatilité des prix. Cette installation est cependant coûteuse pour les particuliers et vient s’ajouter à l’investissement initial auquel le consommateur a consenti lors de l’achat de son nouveau véhicule.

 

Une transition culturelle autant que technologique

Les deux raisons précédentes qui viennent d’être discutées en cachent en réalité une troisième, dont l’influence est plus difficile à évaluer : celle du changement d’habitudes et d’imaginaire. Conduire une voiture électrique demande d’adopter de nouveaux réflexes et de faire, à titre personnel, certaines concessions. Nous avons vu que, si l’autonomie des véhicules électriques est suffisante pour les trajets du quotidien, elle restera encore pour quelques années bien inférieure à celle de leurs homologues thermiques, notamment pour les longs voyages. Comme la recharge prend plus de temps, surtout si l’utilisateur veut faire des économies en utilisant une borne standard, il faut penser à mettre sa voiture en charge le soir chez soi plus souvent. Sinon, en cas d’urgence, il faut soit accepter de payer plus cher pour une recharge rapide, soit accepter d’attendre que la recharge classique se fasse en trouvant de quoi s’occuper ailleurs. La voiture individuelle a longtemps été présentée comme un symbole de la liberté, de l’autonomie et de la possibilité d’aller où on veut à peu de frais. Néanmoins, cette « liberté » de mouvement est avant tout le choix politique et industriel d’une infrastructure générale pensée pour la mobilité thermique. Heureusement, avec le temps, la baisse des coûts de production des batteries et la réinvention de certaines de nos habitudes, la voiture électrique pourrait bien devenir le nouvel emblème technologique de la liberté individuelle.

 

[1] UFC-Que choisir, Un déploiement du réseau à accélérer, des dérapages tarifaires à stopper, 2023

[1] AIE, Global EV Outlook 2021

[2] SDES et Insee, La mobilité locale et longue distance des Français, Enquête nationale sur la mobilité des personnes en 2019

[3] ADEME, Voitures électriques et bornes de recharge, 2022

[4] Gouvernement français, Déploiement des bornes de recharges, en route pour 2030 !, 2023

[5] UFC-Que choisir, Un déploiement du réseau à accélérer, des dérapages tarifaires à stopper, 2023

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